Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
Je voudrais, à l’entame de mon propos, vous remercier pour vos paroles très aimables et encourageantes à l’endroit de mon épouse et de moi-même et, surtout, à l’égard du peuple camerounais dont vous avez bien voulu souligner le courage et l’amour de la paix.
Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Alors que les échos des derniers combats contre l'Etat Islamique en Irak et en Syrie nous parviennent et que des signes de reprise de l'économie mondiale commencent à se manifester, est-il possible d'espérer que les tensions qui ont marqué ces dernières années s'atténuent et que s'ouvre, dans le monde, une période plus propice au progrès économique et social ?
Il est sans doute prématuré de répondre à cette question. Mais rien ne s'oppose à ce que nous examinions, ensemble, les éléments du problème ainsi posé.
Certes, l'Etat Islamique paraît avoir perdu la partie. Il a toutefois laissé derrière lui les ferments d'une subversion qui n'a pas dit son dernier mot. De plus, de nombreux djihadistes ont regagné leur pays d'origine où ils représentent un danger éventuel.
D'autre part, la rivalité entre les deux pays les plus puissants de la région continuera d'être un facteur déstabilisant pour toute la zone, sans parler du problème israélo-palestinien qui paraît avoir découragé toutes les bonnes volontés et reste sans solution. La région du Proche et du Moyen Orient demeurera donc vraisemblablement un espace de conflits potentiels.
Le djihadisme n'a d'ailleurs pas attendu la défaite de l'Etat Islamique pour essaimer à travers le nord de l'Afrique, vers la bande sahélienne. Sous différentes identités, AQMI, BOKO HARAM, SHEBAB, il a menacé et menace encore divers Etats africains. Malgré les coups qui lui ont été portés, il représente toujours un danger pour leur indépendance et leur modèle social.
S'agissant du Cameroun, la menace a été écartée grâce à la vaillance de nos forces de défense et de sécurité et de la Force Multinationale Mixte, appuyées par l'Union Africaine et nos partenaires internationaux.
Mais nous devons rester vigilants. Même si l'ONU et les grandes puissances ont pris la mesure du danger, il reste à définir une stratégie d'envergure mondiale, à même d'apporter une solution définitive.
Sur le plan de l'économie, il convient, je crois, de se réjouir des signes annonciateurs d'un retour de la croissance. Il faut toutefois préciser que les situations ne sont pas les mêmes partout.
Il existe des pays où la croissance est déjà présente, alimentée par des injections importantes de liquidités et des taux d'intérêt très bas. D'autres, où, les exportations ayant considérablement baissé, la croissance, encore élevée, repose désormais sur la stimulation de la demande intérieure. D'autres encore, où la croissance peine à démarrer. D'autres enfin, comme le Cameroun, où la chute des cours du pétrole et des matières premières a ralenti la croissance et rendu nécessaire l'adoption d'un programme de réformes structurelles.
A cet égard, l’importance des derniers sommets de la CEMAC, à Yaoundé et à Ndjamena, qui ont mis l’accent sur la nécessité d’accélérer l’intégration sous-régionale, doit être soulignée.
L'objectif principal est de retrouver le chemin de la croissance. Pour ce qui nous concerne, nous ferons, bien entendu, tout ce qui est en notre pouvoir pour mener à bien ce programme et rester sur la trajectoire de notre projet d'accession à l'émergence à l'horizon 2035.
La situation très contrastée que je viens de décrire rend aléatoire tout jugement définitif sur l'évolution probable de l''économie mondiale. La hausse des inégalités favorise la montée du populisme et du nationalisme.
Ces phénomènes, que l'on peut surtout observer dans certains pays développés, sont à l'origine des tendances protectionnistes et isolationnistes qui gagnent du terrain depuis un certain temps. Il est évident que si elles se généralisaient, on assisterait à une véritable régression des échanges, avec tout ce que cela implique de négatif aussi bien pour les pays développés que pour les pays en développement.
Nous n'en sommes heureusement pas là. L'issue la plus favorable consisterait sans doute à revenir à une grande négociation internationale qui tiendrait à égale distance le protectionnisme et la mondialisation sauvage. Il serait en effet souhaitable qu'un compromis, qui associerait les avantages reconnus de la mondialisation et la protection des intérêts nationaux, soit trouvé.
J'ai fait allusion il y a un instant au regain du nationalisme qui est un trait de notre temps. S'il se confond avec l'amour de la Nation, il n'a rien de répréhensible. Mais si, comme souvent, il se définit en opposition à d'autres nations, il change de caractère et devient dangereux. Il en va de même pour le régionalisme. Or, il se trouve que, de plus en plus, des Etats, anciens ou récents, soient traversés par des forces centrifuges qui remettent en cause leur unité.
Je pense que la balkanisation va en sens inverse de l'histoire. La mondialisation implique des regroupements qui favorisent l'harmonie et la solidarité entre les membres de la communauté humaine et assurent leur protection. C'est le cas des organisations internationales et régionales et, à plus forte raison, des Etats.
En tant qu'ancien pupille de la Société Des Nations et de l'ONU, le Cameroun est un fervent partisan de notre Organisation internationale commune et soutient ses initiatives en faveur de la paix, du développement et de la protection de l'environnement.
Constatant que le réchauffement climatique se poursuit et que ses effets sont de plus en plus évidents, si l'on en juge par la fréquence des catastrophes naturelles, mon pays, qui a été l'un des premiers à ratifier l'Accord de Paris, estime que les engagements qui ont été pris à la COP21 doivent être tenus. Il appuie les efforts qui ont été faits en ce sens à la COP22 à Marrakech et à la COP23 à Bonn et plus récemment à Paris. Nous devons garder à l'esprit que c'est le destin de l'espèce humaine qui est en jeu.
S'agissant précisément de celle-ci, je voudrais dire ma compassion à l'égard des migrants et des réfugiés, qu'ils fuient les combats au Proche Orient ou qu'ils entreprennent le périlleux voyage à partir de l'Afrique sub-saharienne vers l'Europe à la recherche d'un avenir meilleur. Enfermés dans des camps, rançonnés pour embarquer dans des barques de fortune, voire vendus comme esclaves, n'ont-ils pas le droit d'être traités comme des êtres humains?
L’Union Africaine et l’Union Européenne ont indiqué la voie à suivre lors de leur récente réunion à Abidjan. Mais quand la communauté internationale se mobilisera-t-elle vraiment pour mettre fin à ce qui restera sans doute comme un des plus grands scandales du 21ème siècle ?
Pour ce qui concerne le Cameroun, notre action diplomatique s'est déployée à travers le monde.
Des contacts au niveau élevé ont eu lieu :
- avec le Président de la République italienne et Sa Sainteté le Pape François à Rome,
- avec les Chefs d'Etat de la CEMAC lors du sommet de N’Djamena,
- avec le Secrétaire Général des Nations Unies à New York et à Yaoundé,
- avec les Chefs d’Etat présents à Abidjan au sommet Union Africaine/Union Européenne,
- avec les Chefs d’Etat participant au sommet du 12 décembre 2017 à Paris consacré au financement de l’Accord sur le climat.
Ce qui me permet de dire que notre pays tient son rang.
Enfin, last but not least, la toute récente visite de la Très Honorable Patricia Scotland, Secrétaire Générale du Commonwealth, nous a permis de manifester notre attachement à cette vénérable institution et de faire connaître à notre hôte de marque les réalités de notre pays. Je tiens à souligner l’importance de sa visite dans les circonstances actuelles.
Avant de conclure, je souhaiterais revenir sur un point auquel j'attache une certaine importance. Jusqu’à une date récente, une sorte de consensus me paraissait exister sur la nécessité de trouver, dans la mesure du possible, des solutions acceptables aux différends entre puissances et aux problèmes mettant en jeu les intérêts de la communauté internationale dans son ensemble. A cet égard, une certaine confiance me paraissait partagée par une majorité d'Etats.
Il me semble que les choses ont un peu changé et que l'esprit de consensus s'est effrité. Les oppositions sont plus radicales et la volonté de compromis moins présente. Pourtant, le monde connaît depuis 1945 la plus longue période de paix générale de l'histoire moderne. La faim, la pauvreté, les épidémies ont régressé. L'exclusion n'est plus une fatalité. Certes, il reste beaucoup à faire. C'est pourquoi il faut absolument que la confiance entre les nations revienne et que l'esprit de conciliation reprenne ses droits.
Monsieur le Doyen,
Mesdames, Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Je voudrais maintenant vous prier de bien vouloir transmettre aux hautes autorités que vous représentez, nos vœux les meilleurs pour l’Année Nouvelle.
A vous-mêmes, à vos familles, j’adresse mes souhaits les plus sincères de bonheur, de santé et de succès pour 2018.
Vive la coopération internationale !
Je vous remercie de votre aimable attention.
Yaoundé, le 04 janvier 2018
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