- Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
Qu’il me soit tout d’abord permis de vous remercier pour tous les propos aimables que vous venez de tenir à l’égard de mon pays et du peuple camerounais, ainsi qu’envers mon épouse et moi-même.
- Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique,
L’an dernier, dans les mêmes circonstances, je posais la question suivante : « Est-il permis d’espérer que les tensions qui ont marqué ces derniers années s’atténuent et que s’ouvre dans le monde une période plus appropriée au progrès économique et social ? » J’avais alors admis qu’il était prématuré d’y répondre.
Force est de constater que l’instabilité qui continue de caractériser les relations internationales laisse la question pendante.
Certes, au Proche et au Moyen Orient, les combats en Syrie et en Irak ne sont plus que sporadiques. Mais le destin de la région restera sans doute incertain aussi longtemps que les deux puissances majeures de la zone ne trouveront pas de compromis viable, comme en témoigne la situation au Yémen. Quant au problème israélo-palestinien, il paraît « gelé » pour un temps indéterminé.
On voit mal comment, dans les conditions actuelles, les grandes puissances dont l’influence et les intérêts sont prédominants et opposés dans la région, pourraient contribuer à y rétablir la stabilité.
Vaincu au Proche-Orient, l’Etat islamique a activé ses cellules djihadistes au nord de l’Afrique et dans la bande sahélienne. Bien que tenu en échec militairement, il conserve une forte capacité de nuire à divers pays africains. Le Cameroun en a fait l’amère expérience dans sa lutte contre Boko Haram.
Repoussé hors de nos frontières, ce mouvement terroriste ne représente plus qu’une menace résiduelle qui nous oblige cependant à rester très vigilants. C’est pourquoi nous maintiendrons une étroite coopération avec les pays membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad qui se sont engagés, fin novembre à Ndjamena et mi-décembre à Abuja, à ne pas baisser la garde.
L’instabilité que j’ai mentionnée n’a pas seulement pris la forme de tensions ou de conflits armés. Elle est aussi la résultante d’une remise en cause de l’équilibre réalisé après la Seconde Guerre mondiale et la fin de la guerre froide. L’Organisation des Nations Unies et son Conseil de Sécurité en étaient les garants.
Au cours des dernières décennies, ce système de sécurité collective a eu le mérite d’éviter le déclenchement d’un conflit global et de permettre, après bien des péripéties, à de nombreux pays parvenus nouvellement à la souveraineté, de vivre en paix et d’engager des processus de développement. C’est dans ce contexte que la mondialisation des échanges a fini par s’accélérer.
Or, dans la période la plus récente, des tendances nationalistes ont ressurgi un peu partout dans le monde. Elles étaient porteuses d’une double contestation :
- Celle du multilatéralisme, incarné par l’ONU, accusé notamment de sacrifier les intérêts nationaux au bénéfice de causes prétendument « discutables », comme la lutte contre le réchauffement climatique ;
- et celle aussi de la mondialisation à qui il est reproché d’avoir favorisé les délocalisations et le dumping et, par là même, d’avoir dégradé le patrimoine industriel de certains pays.
Comme il était prévisible, ce regain de nationalisme s’est accompagné de mesures protectionnistes, suivies de négociations ou de mesures de rétorsion.
S’il est pour le moment exagéré de parler de « guerre commerciale », on peut toutefois craindre que cette tendance ne s’étende au niveau mondial. On assisterait alors à une contraction des échanges qui ne profiterait à personne, et sans doute pas aux pays en développement dont les économies sont très dépendantes de l’extérieur.
La récente réunion du G20 en Argentine a montré que les principales puissances économiques mondiales n’étaient pas indifférentes aux conséquences du protectionnisme. Une majorité d’entre elles serait, semble-t-il, favorable à la liberté des échanges, sans que l’on puisse dire pour autant que la question est réglée.
Ce raidissement des relations commerciales n’a pas épargné le domaine politique. C’est ainsi que l’on a vu se tendre les rapports entre les Etats-Unis et la Russie au sujet de la Crimée et de l’Ukraine, et du traité américano-soviétique de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire que Washington veut dénoncer.
Au sein de l’OTAN, la répartition des charges est aussi sujette à controverse, de même que la conception d’une défense européenne.
L’Union Européenne n’échappe pas en effet aux pulsions nationalistes. Sans parler du Brexit dont les conséquences demeurent aléatoires, deux « camps » se dessinent désormais : l’un composé majoritairement des pays de l’Ouest, partisans de l’intégration ; l’autre, où se regroupent les pays de l’ex-Europe de l’Est, plus favorables à une fédération moins contraignante. Dans ces conditions, il est permis de s’interroger sur l’avenir du « rêve européen ».
La zone Asie-Pacifique est elle-même traversée par des courants contraires. Alors que les Etats-Unis tentent de se rapprocher de la Corée du Nord, ce qui est louable, mais n’est pas sans inquiéter Tokyo et Séoul ; de son côté, la Chine s’agace de ce qu’elle considère comme une intrusion dans son environnement stratégique.
Au chapitre des grandes questions multilatérales, le réchauffement climatique continue de faire l’objet de vives discussions. Même si une large majorité – dont fait partie le Cameroun – reste fidèle aux décisions de la COP21, la mise en œuvre de l’accord de Paris demeure tributaire de la mobilisation d’importantes ressources, ce qui signifie d’intenses négociations. Les dernières en date, qui ont eu lieu dans le cadre de la COP24 en Pologne, ont finalement abouti à un accord.
Le problème des migrations n’a pas non plus cessé de soulever des passions. On n’ignore pas le lien de causalité qu’il a avec l’explosion du populisme. Le pacte mondial des Nations Unies pour des migrations sûres était porteur d’espoir. Mais la négociation de Marrakech a bien montré qu’il rencontrait bien des résistances et qu’il n’avait pas dissipé bien des ambiguïtés. En attendant, malgré les efforts du HCR, la situation des migrants et des réfugiés demeure tout aussi alarmante.
Au total, on doit bien admettre que la montée du nationalisme et du populisme a sensiblement modifié le climat des relations internationales. En Europe, en Amérique du Nord et du Sud, des partis se réclamant de ces idéologies ont accédé au pouvoir. Cela ne sera pas sans conséquences sur l’équilibre des forces sur la planète. On le voit déjà. Le monde nouveau sera-t-il meilleur que l’ancien ? C’est toute la question.
- Mesdames, Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Pour un pays comme le Cameroun, exportateur de matières premières dont les cours sont fixés sur les marchés étrangers, il serait sans doute indispensable, comme j’ai eu souvent l’occasion de le dire, de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Il conviendrait, en effet, de procéder à une première transformation de la production, de développer le secteur industriel pour réduire les importations, de stimuler les échanges qui demeurent notoirement insuffisants au sein des ensembles régionaux et de prospecter de nouveaux marchés dans le reste du monde.
Quelles que soient les circonstances, le Cameroun s’efforcera de développer autant que possible ses échanges avec ses partenaires traditionnels de l’Union Européenne. De la même façon, nous poursuivrons une politique active de coopération économique avec la Chine où je me suis rendu en mars dernier, en visite d’Etat, et en septembre, pour assister au forum de coopération Sino-Afrique. Ces visites ont confirmé la participation importante de ce grand pays ami à nos projets de développement.
Nous saisirons également toutes les opportunités qu’offrent nos excellentes relations avec le Japon et la République de Corée, ainsi qu’avec tout pays désireux de nouer avec nous une coopération mutuellement bénéfique.
Par ailleurs, nous avons, comme par le passé, maintenu des liens étroits avec l’Union Africaine. Nous nous sommes efforcés de contribuer à la réforme de ses institutions, laquelle devrait permettre d’avancer dans la voie de l’intégration et de garantir son autonomie financière.
Mon pays a eu également le plaisir d’accueillir à Yaoundé M. MOUSSA FAKI Mahamat, Président de la Commission de notre Organisation continentale. Sa visite a été marquée par la signature d’accords de siège concernant l’établissement, au Cameroun, de trois institutions panafricaines.
- Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
- Mesdames, Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Peut-être vous souviendrez-vous que, l’an dernier, j’avais déploré devant vous que l’esprit de conciliation soit moins présent au niveau international. De ce point de vue, il ne paraît pas que la situation se soit vraiment améliorée.
Alors que les progrès de la science et de la technologie donnent à l’homme des pouvoirs chaque jour plus extraordinaires, va-t-on voir le « monde nouveau » qu’on nous annonce faire fausse route et revenir à des divisions et des querelles d’un autre temps ? Il en va de notre avenir à tous. Puisse le bon sens finir par l’emporter.
- Mesdames, Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Le moment est maintenant venu pour moi de vous prier de transmettre aux hautes autorités que vous représentez, nos vœux les meilleurs pour l’Année Nouvelle.
A vous-mêmes, à vos familles, j’adresse mes souhaits les plus sincères de bonheur, de santé et de succès pour 2019.
Vive la coopération internationale !
Je vous remercie de votre aimable attention.
Yaoundé, le 09 janvier 2019
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