Monsieur le Doyen du Corps Diplomatique,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Hauts-Commissaires,

Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations Internationales,

L’an dernier, à la même époque, je vous disais que l’évolution de la situation internationale me paraissait autoriser une certaine confiance en l’avenir. L’affirmation du rôle des Nations Unies, un début de rapprochement entre les grandes puissances sur le maintien de l’équilibre mondial, une meilleure prise de conscience de la solidarité nécessaire entre le Nord et le Sud, certains progrès du respect des droits de l’homme dans le Monde, ces différents facteurs me paraissaient aller globalement dans le sens du renforcement de la paix et de la démocratie internationales.

Bien sûr, je ne me faisais pas d’illusions. Je savais qu’il fallait compter avec la volonté de puissance, la persistance des égoïsmes nationaux, les conflits d’intérêts, le recours au terrorisme qui pourraient freiner cette évolution encourageante. De fait, les foyers de tension n’ont pas disparu, des conflits locaux perdurent, le terrorisme continue de faire des ravages et l’aide publique au développement stagne. Mais je persiste à croire qu’il existe une volonté générale d’apaiser les tensions, de régler les conflits et de réduire le fossé qui sépare les pays riches et les pays pauvres.

Evidemment, il faudra du temps pour y parvenir. Mais le plus important n’est-il pas que l’immense majorité des nations aspire à vivre dans la paix et dans l’équité.

Entre temps, de façon prévisible, l’équilibre mondial a commencé à se modifier. De grands pays comme le Brésil, la Chine, l’Inde, jusqu’alors un peu en retrait, s’imposent sur le devant de la scène internationale. Les énormes besoins de leur développement en énergie et en matières premières bouleversent la géographie des échanges dans ces domaines. Des répercussions inévitables se font sentir non seulement sur les cours du pétrole, des minerais mais aussi sur les prix des produits alimentaires, ce qui ne manque pas de poser des problèmes pour les pays en développement.

D’autre part, on peut constater que la communauté internationale prend de plus en plus conscience des effets du réchauffement climatique. Les nombreuses catastrophes naturelles des derniers mois et la dégradation de certains milieux lui sont attribuées. Déjà apparaissent les premiers signes d’une mobilisation écologique qui ne sera pas sans conséquences politiques et économiques.

Enfin, les migrations de populations originaires du Tiers-Monde, notamment d’Afrique, chassées par la guerre ou la misère, sont devenues un grave sujet de préoccupation pour les pays de départ et de destination. Si rien n’est fait à la mesure du problème, il est probable que les flux ne cesseront d’augmenter. La solution est pourtant évidente : il faut favoriser le développement des pays d’origine des migrants, ce qui suppose la mise en œuvre d’une sorte de Plan Marshall, plus ambitieux que les mécanismes classiques de l’aide publique au développement.

Dans ce contexte, en partie nouveau, quelle a été l’an dernier la participation du Cameroun aux grands événements de la vie internationale ?

A la dernière Assemblée Générale de l’organisation des Nations-Unies, nous avons rappelé les positions de principe de notre diplomatie et fait valoir nos idées sur les grands problèmes de l’heure. Sur la paix, la sécurité, le désarmement, la non-prolifération des armes nucléaires et la lutte contre le terrorisme, nous avons réaffirmé notre soutien à l’action de l’ONU et notre disponibilité à participer aux opérations de maintien de la paix.

Nous avons rappelé les engagements de la communauté internationale en vue d’atteindre les objectifs du Millénaire et regretté la stagnation de l’aide publique au développement.

S’agissant de la réforme indispensable de l’organisation, nous avons réitéré notre position en faveur d’une démarche progressive en vue d’une adaptation à l’évolution de l’équilibre mondial et à l’émergence de nouveaux pôles de puissance.

En passant en revue les zones de tension au Proche et Moyen-Orient, en Afrique, qu’il s’agisse du DARFOUR, de la Somalie, de la RDC, nous nous sommes fait les avocats de la négociation avec le soutien des Nations-Unies, des grandes puissances et de l’Union Africaine. Quant aux autres pays frères et amis, tels que le Tchad et la RCA, en butte à des rébellions, nous les avons assurés de notre active solidarité. En ce qui concerne la Côte-d’Ivoire, également pays frère et ami, nous avons exprimé l’espoir qu’elle sorte définitivement de ses difficultés en suivant la voie tracée par l’accord de OUAGADOUGOU.

Lors de notre séjour à NEW-YORK nous avons également pris part à la réunion de haut niveau sur les changements climatiques. Le Cameroun est directement concerné par ce phénomène. Sa partie septentrionale souffre de la sécheresse qui perturbe l’agriculture de cette région et son équilibre alimentaire. La zone forestière de notre territoire qui fait partie du bassin du CONGO, deuxième massif forestier mondial, fait déjà l’objet d’une attention particulière dans le cadre d’une politique régionale de développement durable qui demanderait à être mieux soutenue par la communauté internationale. Nous allons nous efforcer d’élargir le champ de nos actions de protection de l’environnement et pour ce faire nous créerons prochainement un observatoire des changements climatiques.

Invité par le Directeur Général de l’UNESCO à prendre la parole à Paris devant la Conférence Générale de cette prestigieuse organisation, j’ai pu évoquer les grands défis auxquels est confrontée la communauté internationale. J’ai plaidé pour que soit reconnu un devoir de solidarité à l’égard des pays les plus pauvres et que des mesures soient prises pour préserver les cultures traditionnelles menacées par l’uniformisation des modes d’expression. Dans cet esprit, j’ai exprimé le souhait que l’UNESCO soit le porte drapeau d’une éthique de solidarité entre le Nord et le Sud et de la défense de la diversité culturelle.

Au plan continental, j’ai participé en juillet dernier au Sommet d’ACCRA consacré au débat sur un éventuel gouvernement des Etats-Unis d’Afrique. Tout en constatant qu’un consensus paraissait exister sur l’objectif à atteindre, j’ai fait remarquer que trop de précipitation risquait de compromettre l’entreprise et qu’il convenait préalablement d’évaluer le fonctionnement de l’Union telle qu’elle existe et d’étudier de façon approfondie la forme de nos futures institutions. Cette approche progressive qui passe par un renforcement de nos ensembles régionaux et sous-régionaux me paraît être en effet la meilleure garantie de succès.

D’ailleurs, nous ne sommes pas restés inactifs au plan régional. Au Sommet de Ndjamena qui s’est tenu fin avril le projet de réforme des institutions de la CEMAC a été adopté. Il s’agit d’assurer une meilleure participation des pays membres aux décisions de l’organisation et de la rendre ainsi plus efficace. Par voie de conséquence, l’intégration régionale devrait s’en trouver facilitée. Des décisions importantes ont déjà été prises en ce sens. Il conviendra maintenant de les appliquer.

La Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale dont le Cameroun assure actuellement la présidence, a été en première ligne dans la négociation des accords de partenariat économique avec l’Union Européenne. Cette négociation, capitale pour les pays de notre sous-région, s’est poursuivie tout au long de l’année, justifiant même la présence à YAOUNDE des commissaires au développement et au commerce.

Il aurait été évidemment souhaitable que tous les Etats concernés de la région d’Afrique Centrale puissent signer des accords pleinement satisfaisants avant le 31 décembre 2007, échéance qui avait été fixée pour la signature des accords de partenariat économique en question. Compte tenu de la complexité des problèmes, cela n’a pas été possible.

Faute d’accord régional, nous avons dû nous résoudre à prendre en considération notre situation spécifique et en particulier les conséquences défavorables pour nos exportations d’une non signature avant la fin de l’année. Nous avons donc décidé de conclure avec la Commission Européenne un accord intermédiaire qui protège nos intérêts dans ce domaine et qui ouvre la voie à un accord de partenariat économique complet en 2008. Cet accord intérimaire comporte d’importants engagements concernant la coopération au développement et l’intégration régionale en Afrique Centrale.

A ce point, je souhaiterais dire que pour nous la relation avec l’Europe ne se limite pas à l’organisation de nos échanges économiques. Notre passé commun a créé entre nous une multitude de liens d’où découlent autant d’obligations réciproques. Même si la mondialisation a accéléré pour notre continent l’ouverture vers de nouveaux horizons, il n’en reste pas moins que l’Europe demeure notre partenaire principal dans de nombreux domaines notamment culturel. Les « accords de partenariat » doivent aussi refléter cette dimension du problème. Et si le terme partenaire a un sens, c’est bien, me semble-t-il, celui d’associé. C’est précisément cela que l’Afrique attend de l’Europe.

Il me paraît que tel est bien le sentiment qui s’est exprimé du côté africain à la récente conférence Europe/ Afrique de Lisbonne à laquelle le Premier Ministre a représenté notre pays. C’est dans le même esprit qu’il a participé en notre nom au Sommet du Commonwealth fin novembre à KAMPALA.

Cette intense activité au plan multilatéral ne nous a pas empêché de développer nos relations avec nos partenaires bilatéraux.

Au début de l’an dernier, le Président HU JINTAO a effectué une visite d’Etat au Cameroun. Cette visite a été l’occasion de célébrer une coopération exemplaire qui s’est traduite par la signature de plusieurs accords importants. La mise en valeur de nos ressources naturelles a été envisagée dans le cadre d’un partenariat mutuellement avantageux et équilibré.

D’autre part, je me suis rendu deux fois en France en 2007. Une première fois pour participer au Sommet Afrique France à Cannes et une deuxième fois pour prendre contact avec les nouvelles autorités françaises à leur invitation. J’ai pu constater que les changements intervenus du côté de ce partenaire traditionnel n’aurait pas d’incidence sur la continuité de notre relation ancienne et amicale. J’ai eu à cette occasion avec mon homologue français et diverses autres personnalités des entretiens utiles et approfondis. A mon invitation, le Président SARKOZY a accepté de venir au Cameroun dans le courant de cette année.

Tout au long de l’année passée, nous avons entretenu avec le Nigéria des contacts suivis dans le cadre de la commission mixte chargée de la mise en oeuvre de l’accord de GREENTREE. Ces consultations, tenues dans une bonne atmosphère, ont permis de régler ou de faire avancer vers une solution bon nombre de problèmes, notamment la délimitation de notre frontière maritime et le bornage de la frontière terrestre. Pour ce qui concerne le Cameroun, conformément aux engagements pris, nous avons entrepris de réhabiliter ou de construire des infrastructures administratives et sociales à BAKASSI.

Jusqu’à ce que se produise, il y a quelques semaines cette attaque brutale d’une de nos positions militaires dans la péninsule par des éléments non identifiés, faisant un grand nombre de victimes du côté camerounais. C’est toute la Nation camerounaise qui s’est trouvée atteinte par ce drame sur lequel la lumière doit être faite. Je ne doute pas que le Nigeria, pays frère et ami, nous apportera pour ce faire toute la coopération nécessaire. Il importe en effet que soient préservées les perspectives favorables ouvertes à nos relations par les contacts à haut niveau qui se sont développés au cours des dernières années entre nos deux pays.

Ainsi que vous le voyez, le Cameroun, avec les moyens qui sont les siens, a fait entendre sa voix sur la scène internationale.

Il l’a fait, selon ses convictions et selon sa tradition, c’est-à-dire avec réalisme et modération. Ce qui n’exclut pas bien entendu la fidélité aux principes auxquels il est attaché, à savoir le respect du droit et de la parole donnée. C’est ce fil conducteur qui guide et continuera de guider nos prises de position et nos initiatives au plan international.

Mesdames, Messieurs les membres du Corps Diplomatique,

Le moment est maintenant venu pour moi de remercier votre Doyen pour les vœux qu’il m’a adressés en votre nom.

A mon tour, je vous serais obligé de transmettre les miens aux Hautes Autorités que vous représentez.

Pour vous-mêmes, vos familles et vos proches, je forme les souhaits les plus sincères de bonheur et de santé.

Je vous remercie de votre attention.

 

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