•Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
•Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et Hauts Commissaires,
•Mesdames, Messieurs les Représentants des Organisations internationales,
Si l’on s’en tient uniquement à la multiplication des foyers de tension ou des conflits armés, on serait tenté de dire que 2014 n’a pas été une bonne année. En revanche, on ne peut pas ne pas reconnaître que l’économie mondiale a manifesté des signes de reprise dans certaines régions de la planète, sans que l’on puisse affirmer pour autant que la crise est derrière nous. En effet, assez nombreux sont les pays qui connaissent un ralentissement, voire une stagnation de leur activité économique.
Essayons de voir les choses de plus près.
Incontestablement, la situation s’est aggravée au Moyen-Orient. L’emprise de l’Etat Islamique sur le nord de la Syrie et de l’Irak et ses offensives contre les régimes de Damas et de Bagdad ont plongé la zone dans une grande confusion. A la lutte pour le pouvoir se sont ajoutés des affrontements de nature religieuse ou ethnique, Sunnites contre Chiites, Musulmans contre Chrétiens, Arabes contre Kurdes, etc. Le bilan est effrayant : destructions, massacres d’innocents, déplacements et exodes de populations, fragilisation des Etats voisins, etc.
Les frappes aériennes effectuées par la « coalition » semblent avoir freiné la progression des troupes de l’Etat Islamique. Mais, l’envoi de personnels de la coalition sur le terrain étant exclu et les Nations Unies n’étant pas pour le moment directement impliquées, aucune perspective de règlement n’est en vue. L’impression prévaut d’un épouvantable gâchis.
L’évolution du différend israélo-palestinien n’est guère plus encourageante. La négociation engagée s’enlise. Alors que l’Autorité palestinienne semble avoir renoncé à se rapprocher du Hamas et que sa reconnaissance en tant qu’Etat paraît gagner du terrain, les incidents se multiplient entre Israéliens et Palestiniens, faisant craindre le déclenchement d’une nouvelle « Intifada ». Plus le temps passe et plus la possibilité d’une reconnaissance mutuelle du droit à l’existence des deux Etats paraît s’éloigner. Combien de drames faudra-t-il encore pour que la raison finisse par l’emporter ?
Au nord de notre continent, les « printemps arabes » connaissent des destinées variées. En Tunisie, l’on doit se réjouir que la transition démocratique ait pu déboucher sur une situation apaisée conforme à une volonté populaire librement exprimée.
Par ailleurs, on ne peut que souhaiter qu’un grand pays comme l’Egypte retrouve la voie de la concorde nationale qui lui permettra d’assurer le rôle qui doit être le sien sur la scène internationale. Quant à la Libye, actuellement déchirée entre de multiples factions, elle ne pourra reconquérir la place qui lui revient que si elle parvient à surmonter ses divisions et à reconstituer les bases de son unité nationale.
Même le « vieux continent » n’a pas su préserver une paix chèrement acquise, après deux guerres mondiales qui l’ont ravagé. En disant cela, je pense évidemment à l’Ukraine, théâtre d’une guerre fratricide dont les répercussions internationales font craindre un retour à la guerre froide. Cette perspective ne serait de l’intérêt de personne. Les grandes puissances ont le devoir d’exercer leur influence pour faire retomber les tensions entre les antagonistes et les convaincre de reprendre le dialogue.
Mais, permettez-moi de revenir à un problème qui nous touche de plus près. Dans mon dernier message à la Nation, il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de parler de l’intensification des attaques de Boko Haram contre le nord de mon pays et de la façon dont nous avons réagi.
Nous avons, comme vous le savez, renforcé nos forces de défense, dans la région concernée, par des mesures pour protéger notre population contre les attaques récurrentes des terroristes et préserver notre intégrité territoriale. Comme beaucoup d’autres pays, confrontés de par le monde à cette menace, nous avons pris des dispositions d’ordre législatif et réglementaire pour prévenir et éradiquer le terrorisme. C’est le sens de la loi que vient d’adopter le Parlement. Cette loi a été saluée par l’immense majorité du peuple camerounais qui en comprend le bien fondé.
Je voudrais aujourd’hui insister sur le caractère global de la menace dont nous sommes l’objet.
Ceux qui ont tenté d’asservir le Mali, ceux qui s’en prennent périodiquement à notre territoire national, ceux qui probablement ont influencé certaines factions en Centrafrique et ceux qui ont créé le chaos en Somalie poursuivent les mêmes objectifs : établir leur pouvoir sur la bande sahélienne de l’Atlantique à l’océan Indien et y installer leur régime obscurantiste impitoyable.
A menace globale, riposte globale. Telle devrait être la réponse de la communauté internationale et notamment de l’Union Africaine et de nos organisations régionales. Nous ne devons pas nous bercer d’illusions. Bien qu’affaibli par les pertes qui lui ont été infligées, notre adversaire n’en reste pas moins capable de revenir à la charge. Ses coups de main au nord du Mali et ses attaques répétées contre notre territoire sont là pour nous en convaincre. Il faut que l’on sache que la distance qui peut séparer un pays des zones de combat n’est pas une assurance tous risques.
Pour ma part, je persiste à croire que la menace que représentent les djihadistes, Boko Haram et autres Shebabs, ne pourra être levée que par une mobilisation au niveau international. Beaucoup l’ont compris. Il reste à en tirer les conséquences. C’est le lieu pour moi de me féliciter du soutien multiforme que nous apportent non seulement l’Organisation des Nations Unies, mais aussi certaines grandes puissances, notamment les Etats-Unis, la France, le Royaume Uni, la Chine, la Russie et l’Allemagne. Nous les remercions de leur engagement déterminé à nos côtés dans cette lutte.
Je voudrais maintenant dire quelques mots des perspectives de l’économie de mon pays dans un contexte international très contrasté. A l’issue d’une récente mission, le FMI a salué nos efforts, tout en nous encourageant à poursuivre nos réformes structurelles et à maintenir notre discipline budgétaire.
Mais, nous devons également tenir compte d’un environnement international assez instable. Dans les documents élaborés à l’occasion de sa dernière Assemblée générale, l’Organisation financière internationale prévoit une reprise, « faible » et « inégale », en particulier en Europe qui est l’un de nos principaux partenaires. Le FMI s’inquiète du niveau « historiquement haut » de la dette publique des pays riches et n’exclut pas le risque d’une troisième récession.
Dans les pays où la croissance s’était maintenue à un niveau moyen, les perspectives sont incertaines. D’autre part, on peut noter dans les pays émergents un net ralentissement de l’activité économique. De leur côté, les marchés manifestent périodiquement une certaine nervosité.
Dans un tel contexte, nous n’avons d’autre choix que de poursuivre notre politique axée sur les progrès de la croissance. Comme vous le savez, elle repose sur trois principaux piliers :
-la construction d’infrastructures, notamment de transport et d’énergie,
-la modernisation de notre agriculture,
- et le développement d’industries de transformation de nos matières premières.
De la sorte, nous pouvons espérer faire reculer la pauvreté en créant des emplois et en améliorant les conditions de vie de nos populations. Par là-même, nous serons mieux armés pour résister à un éventuel fléchissement de la croissance économique mondiale.
Heureusement, tout n’est pas sombre dans le tableau que je brosse devant vous. Certaines régions du monde résistent mieux que d’autres au ralentissement de l’activité économique. C’est le cas des Etats-Unis d’Amérique qui bénéficient d’un retour appréciable de la croissance dont les effets ont été positifs pour l’emploi. Mais c’est également vrai pour l’Afrique et il faut évidemment s’en féliciter.
D’autre part, la communauté internationale se préoccupe activement du programme de développement post 2015 qui devrait succéder aux Objectifs du Millénaire pour le Développement. Ceux-ci, on le sait, sont loin d’avoir été tous atteints. La dernière session de l’Assemblée générale des Nations Unies s’est penchée sur ce problème. On peut raisonnablement espérer que le nouveau système qui prendra la suite des OMD saura mieux tenir compte des souhaits et des besoins des populations concernées et sera donc plus performant.
Autre question capitale pour la planète, le réchauffement climatique qui était le thème d’un sommet organisé à New York en marge de la récente Assemblée générale des Nations Unies. Les experts considéraient qu’il y avait urgence. Les trois dernières décennies ont été plus chaudes que toutes les précédentes depuis 1850.
Divers dérèglements du climat, y compris au Cameroun, le montrent clairement. Nous avons dû nous-mêmes prendre des dispositions pour participer à l’effort international en vue de la réduction des gaz à effet de serre.
J’observe que le dernier G20 s’est aussi intéressé au problème et que, peu de temps auparavant, la Chine et les Etats-Unis avaient adoptés, sur le sujet, des positions plus ouvertes que par le passé. Dans ces conditions, la conférence qui doit se tenir à Paris, en 2015 sur le climat, paraît se présenter sous les meilleurs auspices. Elle se propose d’aboutir à un accord global, contraignant et équitable.
Par équitable, je veux croire que cela signifie qu’un tel accord devrait tenir compte du niveau de développement de chaque pays et des efforts faits par certains Etats pour préserver leurs forêts. C’est évidemment le cas des pays du bassin du Congo qui entretiennent la deuxième réserve forestière mondiale après l’Amazonie, soit l’un des poumons de la planète.
L’assèchement du Lac Tchad devrait également retenir l’attention du Sommet de Paris. Comme je l’avais suggéré récemment à Dakar, nous pensons que ce Sommet pourrait œuvrer à la mise en place d’un plan de sauvetage du Lac Tchad.
Si je devais résumer ma pensée, je dirais que l’année qui vient de s’écouler nous a légué son lot de menaces, mais aussi de raisons d’espérer. Pour faire face à la situation, la communauté internationale ne pourra, me semble-t-il, que faire appel aux valeurs qui caractérisent la société moderne, à savoir la solidarité et la croyance au progrès.
La solidarité, c’est ce qui oblige, dans le sens moral du terme, les pays riches à aider les pays pauvres et à établir avec eux des relations équitables. C’est également ce qui détermine les puissances et les organisations internationales à intervenir dans les zones de conflit, pour mettre fin aux agressions, ou secourir les populations.
La croyance au progrès, c’est la volonté des peuples d’instaurer la démocratie, de garantir les droits de l’homme, de faire reculer la pauvreté et de rendre accessibles à tous l’éducation et les soins de santé.
C’est pourquoi, même s’il existe encore dans le monde des endroits où perdure l’oppression, où subsiste la misère et où l’obscurantisme se maintient, j’ai la conviction que la société humaine finira par l’emporter sur la tyrannie et l’intolérance.
L’attentat ignoble du 07 janvier 2015 à Paris, contre un organe de presse, montre bien jusqu’où peut aller le fanatisme. Je condamne avec force cet acte odieux des adeptes de la violence et de la terreur. Il est clair que dans de telles circonstances, la seule réponse ne peut être que la mobilisation concrète et la détermination de tous contre la barbarie.
•Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
Le moment est maintenant venu pour moi de vous remercier pour vos paroles aimables au nom des membres du Corps diplomatique. Vous allez nous quitter. Je saisis cette occasion pour saluer votre action comme ambassadeur de votre pays et comme doyen. Nos souhaits de succès dans vos nouvelles fonctions vous accompagnent.
•Mesdames, Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Je vous prie de transmettre aux hautes autorités que vous représentez si dignement ici nos vœux les meilleurs pour l’année nouvelle.
A vous-mêmes, à vos familles et à vos proches, j’adresse mes souhaits les plus sincères de bonheur, de santé et de succès.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Yaoundé, le 08 janvier 2015