•Monsieur le Doyen du Corps Diplomatique,

•Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs  et  Hauts Commissaires,

•Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations Internationales,

Alors que les effets les plus violents de la crise économique et financière s’atténuent, qui oserait dire qu’elle est définitivement derrière nous ? 

Sauf exception, la plupart des pays industrialisés peinent à retrouver la croissance. Les politiques de rigueur, axées sur la baisse des dépenses publiques et la hausse des prélèvements obligatoires, restent de mise.  Dans bien des cas, le chômage continue à gangréner le corps social. 

Les pays émergents n’échappent pas à cette morosité. Ils accusent le contrecoup en optant pour la politique du repli sur soi. 

Les pays en développement sont relativement moins affectés, du fait de leur faible intégration dans l’économie mondiale.  Ils s’efforcent de stimuler leur croissance et de sortir de leur condition de simples fournisseurs de matières premières, en mettant en place un secteur industriel diversifié et développé.

Chacun sent confusément que les causes de la crise n’ont pas été vraiment réglées.  Une rechute n’est donc pas à exclure. 

Les opinions publiques se satisfont pour le moment de cette accalmie. Toutefois, la confiance si indispensable au progrès économique, n’est pas encore réellement au rendez-vous. Les grandes puissances ne donnent pas l’assurance d’avoir jugulé durablement les dysfonctionnements de l’économie mondialisée, ni d’avoir compris l’exigence d’une nécessaire régulation. En revanche, l’accord auquel est parvenue l’OMC, après des années de négociation, est un motif d’espoir pour la facilitation des échanges, l’agriculture et le développement.

Dans ces conditions, néanmoins incertaines, il n’est pas surprenant que, chacun de leur côté, les Etats ou groupes d’Etats, heureux d’avoir échappé à la faillite ou à la récession, préfèrent parer au plus pressé pour tenter de retrouver les chemins de l’équilibre et de la croissance. Comme il paraît lointain le temps où la mondialisation promettait le développement harmonieux de l’économie et de la finance sur toute la planète !  Il y a en effet bien longtemps que la solidarité a cessé d’être le maître-mot des relations entre pays industrialisés et pays en développement.

Faut-il pour autant perdre tout espoir de rebâtir les rapports entre riches et pauvres sur les principes de la solidarité humaine ? Je ne le crois pas. Je pense qu’une fois les remous de la crise apaisés, il sera possible de reprendre les discussions sur ces questions. J’en veux pour preuve le débat qui a eu lieu à la dernière Assemblée Générale des Nations Unies sur le thème du développement après 2015, année à laquelle les Objectifs du Millénaire viendront à échéance. 

IL est réconfortant de constater que, malgré les difficultés de l’heure, la communauté internationale n’a pas perdu de vue les problèmes des conditions de vie de la majorité de l’humanité. 

Malheureusement, les hommes ont leur part de responsabilité dans les épreuves qui les accablent, comme le montrent les événements tragiques qui ébranlent certaines régions de la planète.

Je parlerai d’abord de la Syrie, déchirée depuis des mois et des mois par une cruelle guerre civile dont on ne compte plus les victimes. Les médiations ont échoué. Les négociations entre grandes puissances au Conseil de Sécurité ont abouti à l’impasse. L’accord sur la destruction des armes chimiques n’a pas encore ouvert la voie à un véritable règlement. La situation est bloquée. De plus, le conflit qui provoque l’exode de centaines de milliers de réfugiés vers le Liban, la Jordanie, la Turquie, risque de déstabiliser ces pays et la région.

En Irak, la situation paraît loin d’être stabilisée. Les attentats qui se succèdent chaque jour ont déjà fait des milliers de victimes. Tout doit être mis en œuvre pour éviter que l’Afghanistan sombre dans les mêmes travers quand les troupes américaines se retireront. 

L’arrivée de nouveaux dirigeants en Iran fait naître un espoir de normalisation des relations de ce pays avec la communauté internationale. Peut-on déjà entrevoir un règlement  définitif  des négociations sur la capacité nucléaire de ce grand pays ?

Le différend israélo-palestinien perdure depuis des décennies. L’espoir demeure, semble-t-il, d’une solution possible sur la base de deux Etats se reconnaissant mutuellement le droit à l’existence. Il est toutefois difficile de préjuger du résultat de l’interminable négociation qui se poursuit entre les deux parties sous le regard des grandes puissances.

Bien sûr, celles-ci interviennent dans le cours de ces différents conflits, soit bilatéralement, soit dans le cadre des Nations Unies et en particulier du Conseil de Sécurité. Dans la mesure où elles ont des intérêts nationaux stratégiques, il est fatal qu’elles en viennent à s’opposer lorsque ces intérêts sont en jeu. Il serait pourtant souhaitable qu’elles prennent en compte à la fois la cause des populations concernées et leur adhésion à la Charte des Nations Unies pour déterminer leur attitude. Ce faisant, elles sortiraient grandies et conforteraient la crédibilité du Conseil de Sécurité.

La situation en Afrique n’est guère plus réjouissante. Au nord du continent, où les « printemps arabes » ont soulevé de grandes espérances, les équilibres peinent à se rétablir. En Tunisie, en Egypte et surtout en Libye, la transition vers des formes démocratiques de gouvernement reste difficile. Il faut espérer que ces pays d’anciennes et brillantes civilisations trouveront par le dialogue, la voie de la concorde entre les différentes composantes de leur population.

Plus proches de nous par la géographie, nos frères du Mali ont dû faire face à une agression de la part de factions armées mettant à mal leur intégrité territoriale et les fondements de leur société. Grâce à l’intervention de la France et du Tchad, avec le soutien de la CEDEAO et de l’Union Africaine, la situation a pu être rétablie. Il n’en reste pas moins que la menace demeure, comme le prouvent plusieurs incidents dans la région de Kidal.

En fait, la menace s’étend largement au-delà des limites du Sahel, comme on le voit au nord du Nigeria, en RCA et même jusqu’en Somalie et au Kenya. Le Cameroun n’est pas non plus épargné. Les récentes prises d’otages à l’Extrême-Nord du pays l’attestent. Il va de soi que nous avons toujours mis en œuvre tous les moyens disponibles pour leur libération. Nous y sommes fort heureusement parvenus. Nous voulons ici remercier une fois de plus les autorités françaises et nigérianes pour l’appui apporté à nos services. 

Au cours des dernières années, les problèmes de sécurité ont été examinés par l’Union Africaine. Celle-ci a mis au point une « architecture de paix et de sécurité ». Les événements du Mali ont mis en évidence un certain manque de réactivité de ce dispositif. Il conviendra de reprendre la question comme on a commencé à le faire en mai dernier. Nous avons en effet créé la Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises (CARIC). Elle se veut un nouveau mécanisme d’intervention rapide, donc plus efficace.

Les douloureux événements que vit depuis un certain temps la RCA ont accéléré la prise de conscience que l’Afrique devrait se donner les moyens d’assurer elle-même sa sécurité. Dans l’urgence, la France, disposant d’un mandat des Nations Unies, est intervenue pour faire cesser les exactions et renforcer la MISCA qui comprend un contingent camerounais. 

Devant l’aggravation de la situation, nous avons dû procéder au rapatriement de près de quatre mille de nos ressortissants. Nous voulons ici saluer l’action de la MISCA et de l’opération SANGARIS dans la protection des civils et le désarmement des groupes en présence. 

Chaque jour qui passe nous montre combien complexe est la situation et combien nombreux les défis à relever sur le plan humanitaire, de la sécurité, du maintien de l’ordre, de l’administration. D’où la nécessité d’une approche holistique urgente. Seule une opération de maintien de la paix des Nations Unies est à même de faire face avec efficacité à tous ces défis. C’est pourquoi le moment nous  semble venu d’accélérer les préparatifs de la transformation de la MISCA en opération de maintien de la paix, conformément à la résolution 2127 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

C’est le lieu ici de mentionner le sommet de Paris pour la paix et la sécurité en Afrique auquel j’ai participé. Les problèmes généraux de sécurité du continent y ont été examinés. Je pense que l’implication des puissances européennes – et particulièrement la France –, des Nations Unies et de la communauté internationale, va dans le sens d’une plus grande solidarité avec l’Afrique. Il faut donc s’en féliciter.

Mais le terrorisme ne sévit pas uniquement sur le continent. Il a, depuis un certain temps déjà, gagné les océans,  en particulier le golfe de Guinée. On ne compte plus les arraisonnements de navires ou les enlèvements d’équipages dans cette zone. 

Pour y faire face, il s’est tenu à Yaoundé, les 24 et 25 juin 2013, un sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO et de la CEEAC sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le golfe de Guinée. Ce sommet paraît avoir tenu ses promesses. La déclaration finale prévoit la création d’un cadre intercommunautaire de coopération en matière de sécurité maritime. Un code de conduite relatif à la prévention et à la répression des actes de piraterie a également été adopté. Enfin, un mémorandum d’entente a été signé. Il prévoit la création, au Cameroun, d’un Centre interrégional de coordination des mesures prises par les Etats. 

Principalement tournée vers les affaires de notre continent, notre diplomatie a également joué le rôle qui doit être le sien aux niveaux multilatéral, notamment aux Nations Unies, mais aussi continental, régional et bilatéral.

IL convient ainsi de signaler que je me suis rendu en visite officielle à Paris au début de l’année pour prendre contact avec les nouvelles autorités françaises. J’ai aussi effectué une visite d’Etat en Turquie au mois de mars. Avec ce dernier pays, qui est en train de devenir une puissance majeure, nous avons signé divers accords de coopération qui augurent bien du développement de nos relations.

Je me suis également rendu au Saint-Siège à l’invitation de Sa Sainteté le Pape François. J’ai pu constater, lors de notre entretien, une large convergence de vues sur l’analyse de la situation internationale. De même, Sa Sainteté et moi-même partageons le sentiment que la communauté internationale devrait, dans ses tentatives de règlement des différends et des problèmes de migration, faire une part plus importante à la solidarité humaine.

Je souhaite aussi rappeler que le processus initié par l’accord de Greentree est arrivé à son terme en août dernier. Notre pays a ainsi recouvré l’intégralité de ses droits sur la zone de Bakassi. Le règlement de cette affaire avait ouvert la voie à un renforcement des relations amicales entre le Nigeria et le Cameroun. Il restera, je crois, un exemple de résolution des différends conforme au droit international.

Nous avons par ailleurs reçu à Yaoundé des envoyés spéciaux de pays amis, notamment des Etats-Unis, de la République Fédérale d’Allemagne, de la Turquie – déjà nommée – désireux de s’informer de nos positions et d’explorer les voies d’un accroissement de nos échanges. J’ai eu également l’occasion de m’entretenir avec divers dirigeants de grands groupes industriels internationaux disposés à investir dans notre pays.

Je ne saurais terminer ce tour d’horizon devant vous, observateurs avisés et objectifs de la scène politique camerounaise, sans évoquer les différents scrutins organisés au Cameroun en 2013. 

Je voudrais d’abord vous dire que tout le possible, tout le nécessaire a été fait pour qu’ils soient réguliers et transparents. Si quelques dysfonctionnements ont pu se produire, la responsabilité n’en incombe pas aux pouvoirs publics mais à l’inexpérience ou à l’inévitable erreur humaine. En tout état de cause, ils n’en ont pas affecté les résultats. D’ailleurs, les contestations ont été peu nombreuses et, après vérification, se sont généralement avérées infondées.

Je tiens à faire cette mise au point, car il est particulièrement important, pour mon pays et pour moi-même, que notre volonté de bâtir un Cameroun démocratique ne puisse être mise en doute. Même si, par définition, les élections sont une affaire interne, les éminents représentants de la communauté internationale que vous êtes, apprécieront, je l’espère, de connaître notre détermination à poursuivre dans cette voie.

Toutefois, la démocratie, si elle ne veut pas être de pure forme, doit être accompagnée du progrès économique et social. C’est le fondement même de notre projet de société. Pour y parvenir, nous comptons d’abord sur nos propres forces. Mais aussi sur la coopération avec les partenaires que vous représentez. Je souhaite les remercier pour la part considérable qu’ils prennent dans nos efforts de développement. Je tiens à  réaffirmer devant vous que le Cameroun sera toujours heureux d’accueillir des investisseurs étrangers, publics ou privés. Nous leur proposerons des partenariats mutuellement avantageux.

Avant de conclure, je voudrais rendre hommage à Nelson Mandela qui nous a quittés il y a peu. Celui qui fut la conscience de l’Afrique est irremplaçable. Mais il restera présent dans nos esprits et dans nos cœurs. Et il continuera toujours à éclairer pour nous les chemins de la liberté et à incarner la dignité de l’homme africain.

•Mesdames, Messieurs les membres du Corps Diplomatique, 

Le moment est maintenant venu pour moi de remercier votre Doyen pour les vœux aimables qu’il m’a adressés en votre nom et pour ses encouragements auxquels je suis sensible. Je voudrais également le remercier pour l’appréciation portée, avec tact et délicatesse, sur les activités humanitaires de mon épouse.

A mon tour, je vous serais obligé de transmettre ceux que je forme à l’endroit des hautes autorités que vous représentez.

A vous-mêmes, à vos familles et à vos proches, j’adresse mes souhaits les plus sincères de bonheur, de santé et de succès.

Je vous remercie de votre aimable attention.-

 

Yaoundé, le 09 janvier 2014

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